Impressions d'une randonneuse
DESERT
Dans le désert tunisien le 16 février
Jeudi paraît-il
2012 c’est sûr
Randonnée dans le Sahara
Désert
Impressions tunisiennes
Je ne supporte plus de rencontrer d’autres personnes que notre groupe..
Sauvage
Je redeviens sauvage
Et enfant
Retour à l’inconnu et la confiance
Sans nos guides nous ne sommes rien
Ni personne
Tout nous émerveille
Et nous marchons
La compagnie des dromadaires nous devient familière
C’est quoi ça
Et ça
Pourquoi vous faites comme ça
Observation
Imitation
Chaque jour les mêmes gestes
Aucune lassitude
Le temps de s’habituer et tout finira
Tout recommencera-t-il ?
Aucune nouvelle du monde
Aucune horloge
Aucun réveil
Juste le soleil
Les étoiles
La Terre tourne
Et nous la voyons tourner
Il y a du sable partout
Dans le paysage
Dans nos chaussures
Dans nos chaussettes
Quelques mots d’arabe sortent enfin de notre bouche
L’accent est déplorable
On vit de tout et de rien
Il n’y a pas de politique
La révolution a passé plus au Nord
A Tozeur
L’hôtel du frère de la femme de Ben Ali a été détruit
Et tout continue comme avant
Presque
L’occident a admiré
La révolution que lui-même n’ose plus espérer
L’occident a applaudi la démocratie
Et attend
Attend
La sécurité
Les touristes ne viennent plus
Ou au compte goutte
Quelques soit disant aventuriers comme nous
« Vous n’avez pas peur »
me demanda la jeune femme du change lorsque je lui ai
demandé des dinnars tunisiens
« Non »
Etrange question
C’est pourtant là
Dans ce désert
Dans ce sable
Ce vent
Ce froid glacial la nuit
Que je retrouve
Petit à petit
Ce que veux dire
Au fond de moi
La signification profonde du mot
« confiance »
Dans la joie de la simplicité
Rien ne me manque
Dans le désert tunisien
17 février 2012
déjà vendredi
Il s’est passé quelque chose
Quelque chose de beau
Un choc de culture
Transformé en
Rencontre
Une rencontre
Un contact
Un constat d’amitié
Quelque chose d’enfoui en nous émerge
Le goût de l’effort soutenu
Simplicité et rudesse du désert
Beauté des gens
On ne se lave plus
La première douche sera un paradis
Tout pendant un certain temps
Aura un autre goût
Avant,
Avant que la vie occidentale nous happe
Nos guides
On le sent
Se réjouissent de rentrer chez eux
Ils devront marcher
Encore trois jours avant de retrouver leur village
Bien sûr, ils marcheront plus rapidement qu’avec nous,
Là,
Ils déchargeront les dromadaires
Et,
Avant de retrouver leur famille respective
Ils iront se détendre au hammam
Puis
Après ce retour tant attendu de part et d’autre
Ils iront à l’agence
Où attendront un téléphone
Pour repartir
Avec un autre groupe
Et l’oubli s’installera de part et d’autre
Pourtant
En ce moment,
Je voudrais que chaque instant soit
Inoubliable
Je veux qu’il y ait
Une empreinte indélébile
L’empreinte d’une belle
Aventure humaine.
Ils n’envient pas notre vie
Ils n’aiment pas Tunis
La grande ville
Le grand bruit
Les lieux où les gens se dispersent
Ils se sentent libre dans le désert
Ali a 42 ans,
A peu près
Et 5 enfants
Né dans le désert de parents nomades
Il n’a pas été à l’école
Puis, une fois marié
Il s’est sédentarisé
Il est devenu chamelier
Il promène les touristes dans le désert
Il est heureux lorsque les gens
Oublient tout dans le désert
Il a appris le français
Au contact des touristes
Tous ses enfants vont à l’école
Tous ses enfants auront le bac
Son fils ne sera pas chamelier
Ahmed ne parle pas français
Ahmed chante tous les soirs
Et il connaît bien la vie de Mohammad
Said a trente ans
Il ne trouve pas de fiancée
Il n’a pas l’argent pour construire la maison
Qui accueillera sa Reine
Il a toujours le sourire
Il prépare chaque jour la galette de pain dans le sable
Mustafa est plus mystérieux
Il aimerait visiter la France,
L’Europe
Mais les visas sont difficiles
Il n’a pas envie de travailler en Europe
Notre style de vie ne l’intéresse pas
Les pays libres ou les portes sont fermées
Ne l’intéresse pas.
Le 19 février à Tozeur
L’aventure se termine
Retour à la civilisation
Retour au factice
A tout ce que je connais
Méfiance reprend le dessus
Elle me rassure presque
On se prépare au retour
Au quotidien
La magie s’enfuit
Devient nostalgie
Tozeur désert ..suite
Il me reste du sable dans une bouteille d’eau
Dans mes chaussures
Dans mes vêtements
Du sables plein yeux
Avant de reprendre l’avion
Nous avons goûté à tout ce que je déteste :
La chasse aux souvenirs de pacotilles
Nous avons marchandé sans convictions
Nous nous sommes prêtés au jeu du portemonnaie ambulant
Et promesses de petits bénéfices minables que nous incarnons tout à coup
Oui
Le retour à la patrie me fera plaisir
En attendant…
Nous continuons notre errance
D’échoppes en échoppes
L’appétit s’éveille
Nous poursuivons notre séance masochiste en nous laissant
Guider vers un restaurant « typique » pour touristes
Bref…On pourra boire du vin
Un très bon rosé tunisien….tiède
Je reste dans le politiquement correct
Je prépare le « no regret » du retour
Et pour ça
Rien de tel que de se frotter aux marchands de tout poil
« Marchands de tout pays je vous hais,
je vous méprise
Mais pour ce soir
Merci
Merci d’adoucir avec tant d’efficacité
L’amertume de mon retour au pays.
Grâce à vous,
Je vais aimer le froid glacial qui nous attend,
Mettre avec entrain le pied dans l’étrier de mon nouveau boulot,
Je vais attaquer avec une joie libératrice ma pile de factures
Ma paperasse à classer,
Liquider ma déclaration d’impôt
Affronter avec légèreté le trafic genevois aux heures de pointe
Ignorer les gueules de mort vivant et têtes à claque du bon peuple laborieux entassé docilement dans les transports publics.
Me réadapter aux horaires scolaires de ma douce progéniture
Me confronter sans m’énerver aux profs du fiston qui ont toujours raison (grr ces gens qui sont jamais-sortis-de-l’école-et-donc-ont-toujours-raison, eux-aussi ont droit à tout mon mépris..)
Je vais rester zen devant la vaisselle qui traîne dans l’évier, en attendant plus ou moins patiemment que mon fils la fasse, ceci dans l’espoir un peu vain que s’il devient macho cela soit par choix personnel.
Réentendre sans broncher les »qu’est-ce-qu’on mange »
Ne pas désespérer devant mon quintal de lessive..etc etc
Oui merci
Merci aux marchands des zones touristiques de tout pays
Le come back devient easy
Mais je reviendrai
Pas pour vous marchands de pacotilles « pas chères »
Mais pour votre sable et vos dunes
Pour vos gens du désert
Pour qui, malgré l’immensité de nos différences,
M’ont permis de renouer avec ce que je peux
Appeler à nouveau l’humanité
La rudesse de leur vie
La tendresse de leur cœur
Leur discrétion
Leur respect de l’autre tout en restant fidèle à eux-même
Je me suis sentie toute petite et totalement
Existante..
Oui,
Nous allons affronter le froid
Glacial
Distribuer nos cadeaux de pacotilles
Continuer d’exister
Et nous reviendrons, c’est promis
Choukran
Et
Inch' Allah